La proportionnelle par circonscription - adapter la proportionnelle à la France

2024-07-07

Les élections législatives 2024 provoquées par Macron sur une intuition dont lui seul connaît le secret témoignent encore une fois que le mode électoral de la majorité à deux tours est injuste, imprévisible et un facteur majeur d'instabilité du pays.

Le mode majoritaire est injuste car elle prive des groupes importants de la population de représentativité. Il est imprévisible car le résultat dépend des alliances circonstancielles. Et il est instable car il ne crée même pas de majorité, seule justification du mode.

Le 8 juillet, la France se retrouvera dans la constellation ingouvernable. Il n'y aura pas de majorité à l'Assemblée qui pourrait soutenir les projet de gouvernement et Macron gouvernera par application de l'article constitutionnel 49.3 ce qui n'empêche pas de appeler ses ennemis et ses adversaires d'extrémistes. C'est le déni de la politique qui devrait avoir la mission de négocier les règles entre les groupes de la population. Un décret présidentiel crée une légalité de la loi, mais pas la légitimité. La légitimité naît de la négociation. C'est la négociation qui garantit que les lois sont acceptées et durables. Le décret unilatéral agit à court terme et divise le pays. La 5e République est malade.

L'Assemblée nationale pourrait utiliser cette petite législature 2024-2027 pour revoir les institutions et créer les fondements de la 6e République. Les chances sont bon, justement à cause du blocage. Aucun groupe n'a vraiment les clefs du pouvoir et beaucoup à perdre. Les réformes devrait toucher la séparation des pouvoir, la position du Président, lex exceptions 49.3, mais surtout le mode électoral.

Il est temps que la France rejoint la grande majorité des démocraties européennes qui appliquent la proportionnelle puisqu'elles ont compris qu'il faut réunir tous les groupes de la société à la table pour créer des lois qui sont justes et durables.

La proportionnalité n'exclue pas une majorité gouvernementale. Seule la Suisse a adopté une touche de proportionnelle pour son propre gouvernement, notamment à cause de la démocratie directe qui permet à chaque minorité de contester une loi par référendum. La majorité des pays européens connaissent la proportionnelle, un gouvernement majoritaire et une opposition au parlement.

Il est par contre de moins en moins probable qu'un seul parti soit majoritaire pour former un gouvernement tout seul. Nos sociétés se sont diversifiés. Il n'y a plus les grands groupes comme "ouvriers" ou "catholiques" qui permettent de former des grands partis populaires. Les coalitions à deux partis sont la règle et même celles-ci exigent qu'un des deux partis fasse entre 30 et 40%. Quand on regarde les développements des grands pays européens, ces pourcentages sont de plus en plus rares. Une Ampelkoalition comme en Allemagne est un exercice certes difficile mais va devenir monnaie courante ces prochaines années. Il faudra alors pas seulement négocier au parlement, mais aussi au gouvernement.

La proportionnelle, mais laquelle?

Si on veut introduire la proportionnelle, plusieurs questions pratiques se posent. Ces questions tournent à la position des partis, des territoires et des candidat-es.

Si on fait une seule circonscription, la représentativité des partis et complète, mais il n'y a aucune représentativité des territoires qui serait garantie. Aussi, on utilisera probablement une liste simple (liste parti seulement) puisque l'électorat ne peut pas gérer 577 candidature sur une liste modifiable (l'électorat peut biffer, cumuler voir même panacher). Les partis décideront donc qui des leurs sera élu-e.

On peut donc introduire des circonscription avec plusieurs élus et faire jouer la proportionnalité à l'intérieur des circonscriptions. Les départements sont trop petit pour permettre une réelle proportionnelle, puisque certains n'ont que deux circonscriptions. Seuls quelques départements ont 10 sièges ou plus, seuil pour une proportionnelle juste. Ces départements représentent 223 sièges, donc la proportionnalité ne serait pas respectée pour 60% des sièges.

On peut gérer cette situation avec la double proportionnalité (Pukelsheim), mais ils est peu probable pas que la France serait prête pour un mode électoral aussi complexe.

On peut faire des circonscriptions par région. Il y a 13 régions avec 23 à 97 sièges, donc cela marcherait, à l'exception de la Corse avec 4 sièges. Cependant, quand les régions ont plus que 30 sièges, des listes modifiables seraient aussi difficiles à gérer pour l'électorat, donc on s'orienterait vers des listes simples, et donc les partis définissent l'ordre des élu-es.

Toutes ses configurations ne permettent pas de garantir la représentation de la circonscription voire même celle du département. Ce serait le rôle des partis de garantir cette représentation on constituant la liste.

C'est à la lumière de ces limites qu'il faut voir la proposition suivante. La proposition permet d'introduire la proportionnelle tout gardant un lien des élu-e-s avec leur circonscriptions.

Proposition de la proportionnelle française

La proposition s'inspire du mode d'élection allemand qui conjugue élection majoritaire avec élection proportionnelle.

De manière simplifié, l'Allemagne vote ainsi: la moitié des sièges est reparti dans des circonscriptions avec une majorité à un seul tour. La personne avec le plus de votes est élue. Mais le nombre total des élus au niveau national du parti est défini avec le 2e vote de manière proportionnelle pour autant que le parti atteint au moins 5% des votes (quorum). La différence des sièges est attribué dans l'ordre d'une liste nationale définie par les partis.

L'électorat vote ainsi de manière tactique dans sa circonscription et avec son coeur avec le 2e vote.

Pour la France, on propose ici un mode encore plus simple. On l'appellera ici la proportionnelle par circonscription.

  • L'élection se fait dans 577 circonscriptions avec des candidatures qui déclarent leur affiliation à un parti.
  • L'élection se fait à un seul tour.
  • Est élu tout candidat-e qui a fait la majorité absolue (mandat direct)
  • Les sièges restants sont repartis au partis de manière proportionnelle au niveau national pour autant qu'un parti atteint 1% des votes.
  • Les sièges obtenus par les partis sont attribués au candidat-es dans l'ordre de leur part électorale dans leur circonscription (mandat indirect)

Le mode de la proportionnelle par circonscription diffère du mode allemand en ce qu'il simplifie: Il n'y a qu'un seul vote et il ne doit pas gérer la surreprésentation (Überhangmandate) qui peuvent arriver quand un parti obtient trop de sièges directs par rapport à sa part électorale.

Le mode proposé n'est pas parfait:

  • La proportionnalité n'est pas parfaite, car elle n'est garantie que pour la part des sièges où il n'y a pas eu de majorité absolue.
  • La représentation par circonscription n'est pas garantie.

Mais le mode tranche par sa lisibilité et a un grand potentiel de légitimité. Les élections ont toujours lieu dans les circonscriptions avec une confrontation directe entre les candidats. Il fait élire les candidats qui ont le plus convaincus l'électorat.

Application de la proportionnelle par circonscription au 1er tour des législatives françaises

Pour cette simulation, les chiffrent se basent sur les résultats du premier tour tel que reporté par Le Monde. Le Monde a identifié 46 partis différents.

Dans 80 circonscriptions, il y a un mandat direct avec majorité absolue au premier tour: RN 35, LFI 20, PS 5, EELV 4, Div c 3, PCF 3, Div g 2, Génération 2, Renaissance 2, Div 1, LR 1, LR-RN 1, PS diss 1.

Il restent 497 sièges à repartir.

Les résultats officiels regroupent les partis. Nous estimons donc les part des partis selon les sommes des pourcentages obtenus par circonscription.

  • RN 33.5%
  • Renaissance 13.4%
  • LFI 13.0%
  • PS 8.7%
  • LR-RN 4.6%
  • LR 4.4%
  • EELV 5.1%
  • MoDem 3.4%
  • Horizon 3.1%
  • PCF 2.4%
  • Div dr 1.6%

La proportionnelle donne donc les mandats indirects suivants et le total des mandats.

Parti Mandats directs Mandats indirects Total
RN 35 178 213
LFI 20 69 89
Renaissance 2 72 74
PS 5 47 52
EELV 4 27 31
LR 1 24 25
LR-RN 1 24 25
MoDem 0 18 18
Horizon 0 17 17
PCF 3 13 16
Div dr 0 9 9
Div c 3 0 3
Div g 2 0 2
Génération 2 0 2
Div 1 0 1
PS diss 1 0 1

On peut noter que le groupe du LFI dépasse celui de Renaissance à cause du nombre plus élevé des mandats directs. D'autre part, les deux partis du centre MoDem et Horizon n'existeraient pas au parlement sans les mandats indirects.

Les mandats indirects sont repartis aux candidatures selon leur résultat dans les circonscriptions. Selon les partis, le pourcentage minimal par mandat indirect est:

  • RN 36.3%
  • Renaissance 31.9%
  • LFI 29.6%
  • PS 32.5%
  • LR-RN 36.2%
  • LR 34.3%
  • EELV 34.0%
  • MoDem 30.6%
  • Horizon 31.1%
  • PCF 28.4%
  • Div dr 36.2%

La fourchette des pourcentages minimaux est entre 28% et 36% ce qui donne à tous les élu-es de mandats indirects une solide légitimité.

Sur les 497 mandats indirects, 109 sont donnés à des candidatures en deuxième position au 1er tour et 2 aux candidatures en troisième position.

Autrement dit, 80% de tous les sièges vont à des candidatures qui ont été en première place au premier tour. Les 20% restants rétablissent la proportionnalité.

Toutes les circonscriptions n'auront pas un mandat car 77 en ont deux. Mais 500 circonscriptions auront exactement un mandat.

On peut discuter du niveau de quorum. Faire 5% comme en Allemagne éliminerait les partis du centre. Passer en-dessous de 1% crée la présence des groupuscules au parlement qui n'auront pas de vrai influence (pas de groupe, pas de présence aux commissions).

Résumé

Le mode de la proportionnelle par circonscription permet d'installer une représentation proportionnelle tout en maintenant les élections dans les circonscriptions et donc garder un rapport direct entre élu-es et électorat. Il permet la représentation de toutes les forces politiques sans alliances de circonstances. Il garantit un mandat direct ou indirect à 4/5 des circonscriptions ce qu'aucune autre méthode proportionnelle ne pourra garantir.